jeudi 1 septembre 2011

Nos Imagineurs

Chers lecteurs,

Il a été très difficile de vous trouver un imagineur ce mois-ci. Avec les précédentes plumes interviewées, la barre avait été placée haute. Très haute ! L'obtention d'imagineurs de qualité requiert en effet un alambic satisfaisant certaines conditions indispensables :
a) Il doit être dans le bain du site, accrocher notre attention vigilante.
b) Il doit permettre d'obtenir un intérêt constant, voire croissant, avec un postage régulier.
c) Il doit comporter un ustensile lui permettant d'écrire en toute circonstance ( indispensable quand on distille des intrigues relativement évoluées )
Les imagineurs traditionnels offrent une ou plusieurs vagues de postes, ce qui permet de tirer la substance de leurs textes avant éventuelles corrections, tout en profitant de résidus riches en informations. L'imagineur que je vous propose de découvrir ici distille ses mots avec des substances et essences très aromatiques. Il ne prime pas tant dans la quantité, que dans la qualité de ses crus originaux et fruités. Apprécions ensemble la saveur scripturale de Reb !


Qu'est-ce qui t'a donné envie d'écrire ?

Peut-être le fait de ne pas beaucoup parler. C'était comme ça dans mon enfance, j'en ai gardé l'habitude depuis.

Quels sont tes thèmes littéraires favoris ?

Ceux qui parlent de la vraie vie, moderne ou non. J'ai deux thèmes de prédilection, qui vont avec leurs auteurs respectifs : Les Etats-Unis d'un côté, et l'Irlande/Royaume-Uni de l'autre. Généralement (et c'est sans doute du au hasard des publications en français) mais concernant les Etats-Unis cela traite des classes aisées de New York ou Los Angeles, alors que pour le Royaume-Uni, ça parle des classes prolos. Ca doit être une histoire de fierté culturelle. Du coup j'ai deux extrêmes, qui au final se recoupent : la drogue, l'alcool, l'amitié, le désœuvrement, la solitude intellectuelle, l'amour qu'on porte à sa ville d'origine. On trouve ça dans les deux univers. Contrairement à ce qu'on pense, c'est très loin d'être ennuyeux.

Si un de tes livres devait être publié, il parlerait de quoi ?

De ces mêmes choses sûrement, avec une certaine dose d'images personnelles pour tourner tout ça à ma sauce. J'ai ce problème qui n'en est pas vraiment un et qui m'oblige en quelque sorte à mêler des anecdotes de ma vie à la vie de mes personnages ; le jeu c'est de savoir ce qui est vrai ou non. Après j'ai beaucoup d'idées de livres, quelque chose comme six ou sept, sérieuses j'entends. The First Harp en fait partie.

Si tu devais écrire un roman autour d'une phrase, quelle serait-elle ?

« I could believe in Heaven, if its allow to fuck and drink on it. » (Shane « God » MacGowan.)

Ce qui te plait le plus dans le fait d'écrire c'est : Raconter une histoire qui ait du sens ? Rédiger un texte avec des phrases très techniques et alambiquées ? Jongler avec les mots parce que tu les aimes ? Transmettre tes idées à d'autres ?

Je pense que ça serait plutôt raconter des histoires, tout simplement. Des histoires qui parlent, si possible, qui résonnent dans le vrai. Le cru, le violent des mots, ça me fait autant sinon plus rêver que les envolées lyriques. La technique j'y connais rien... Transmettre des idées, ça peut se faire. Tromper l'ennui, certainement pas, puisque j'adore m'ennuyer tant ça ne m'arrive jamais. Donc plutôt une histoire qui ait du sens, oui.

Comment t'es venue l'idée d'écrire The First Harp ? C'est une histoire longue ou courte ? Tu as déjà une fin en tête ?

Les personnages que je montre là viennent à la base d'un forum RP créé par ma copine et moi, mais dont l'histoire se situait dans un contexte beaucoup plus apocalyptique. J'avais envie d'écrire leur vie d'avant, leur vie « ordinaire », celle de Lesley en particulier puisqu'il s'agissait de mon personnage. D'ailleurs Ellis est le sien, et je ne le ferait pas agir sans le lui avoir demandé. Ce qui est « publié » pour l'instant absolument pas en ordre, car j'ai dans l'idée de tout réorganiser bien plus tard. C'était surtout histoire de voir ce que ça pouvait donner. Pour le reste, ça sera sans doute le plus long truc que j'ai jamais eu envie d'écrire, et quand à la fin je la cerne pas mal, je la connais même par cœur.

Question de fan : Nombre de tes histoires se déroulent au Royaume-Uni (Écosse ici)
et tu sembles particulièrement à l'aise pour ce qui est de relater la vie de ses habitants.
Alors dis-nous : procèdes-tu à de longues recherches pour donner à tes textes une dimension
humaine aussi fidèle à la réalité ?


Si j'ai l'air à l'aise pour le faire, alors j'en suis très fier ! Quant aux recherches, j'en fais, oui, en quelque sorte, via mes lectures surtout (vive les bouquins sur l'Histoire de l'Angleterre !) je porte aussi beaucoup d'intérêt à certains groupes de folk que je ne citerai pas et dont les paroles sont très révélatrices ; et pour les descriptions pures et cash des lieux je passe tout bonnement pas mal de temps sur Google Street, et ce dès qu'un nom de ville ou de rue apparaît dans une de mes histoires... j'ai toujours peur que les choses ne soient pas assez authentiques puisque je ne vis pas moi-même dans les endroits que j'aime raconter, alors je lis un maximum de choses là dessus. C'est super important de replacer les personnages dans un contexte historique et social réaliste. Cela dit, je ne me vois pas finir un projet qui se passe « ailleurs » sans y avoir passé un bon bout de temps moi-même, pour que ça sonne encore plus vrai. Du coup j'envisage sérieusement de m'exiler au Royaume-Uni dès que j'en aurai les moyens. Si, si.

Question de fan : Bases-tu tes descriptions sur des films ou des romans traitant de cet environnement ?

En partie. Ken Loach est une bonne grosse source d'inspiration concernant l'Irlande et l'Angleterre, au niveau des films. Pour les romans je dévore du John King et du Welsh pour l'Angleterre et l'Ecosse, je bouffe du Bret Ellis pour la Californie et j'avale littéralement tout ce que fait Jay McInerney pour la vie à New York. Les livres et les images nourrissent. Ca place les bases. Et comme dit Tyler Durden, tout est une copie d'une copie d'une copie... On invente jamais vraiment quoi que ce soit, personne.

Question de fan: Les relations entre tes personnages ne sont jamais simples. Ici, le lien entre les deux frères est l'élément central. Te semble-t-il essentiel de les rendre pas seulement complexes, mais aussi douloureuses pour conter leur histoire ?

Complexes, c'est important : il n'y a qu'à voir la plupart des best-sellers ou autres qui reposent sur des relations vraiment trop simples (meilleurs amis pour toujours, amour d'enfance à deux ronds, rival éternel...). Tout ça, ça m'ennuie. Les vraies relations entre les gens n'ont rien à voir avec ça, il y a toujours une part de non-dit ou de passif amer qui apporte de la substance. J'essaie de retranscrire ça autant que je le peux. Si ça doit être douloureux, ça l'est. Après tout, aucune relation n'est jamais entièrement rose non ?

Tu fais référence à l'alcool. Dans tes textes, dans ta biographie et signature sur le forum...
Tu tremperais même ta plume dedans parfois ! Pourquoi le choix de cette encre plutôt qu'une autre ?


Parce que l'alcool est très révélateur pour moi. C'est une drogue en vente libre qui ouvre l'esprit. Dans notre société, on cautionne le fait de se faire charcuter pour l'esthétisme, mais dès que la transformation touche l'esprit, ça devient quelque chose de totalement inacceptable. Pourtant, à mon sens, les substances qui modifient la perception ne contribuent qu'à rendre celle-là plus large; cela permet d'explorer d'autres sujets, d'autres facettes de soi-même. L'alcool est comme ça, l'alcool est une drogue aussi triste que joyeuse, pas comme l'héroïne par exemple. La vie des pubs, des bars, c'est la vie tout court. L'endroit où se croisent les gens, où on parle de tout, en surfant sur cette vague invisible qui t'emporte et fait passer le temps plus vite. J'adore l'alcool. Me concernant, c'est comme le passage à l'âge adulte. Le jour de ma première cuite j'ai sans doute compris beaucoup de choses. C'est aussi pour ça que Lesley est alcoolique ; parce que contrairement à ce qu'on pense, l'alcool est très poétique.


Notre interview s'achève ici. Remercions Reb qui a bien voulu répondre à nos questions ! Vous pourrez retrouver vos crus favoris sur le compte PA de notre ami, afin d'y déguster d'autres saveurs à divers degrés. Il est possible d'y plonger avec ou sans modération. Car l'abus de ces alcools n'est pas dangereux pour la santé. Toutefois nous ne garantissons pas le résultat sur vos esprits une fois imbibés.
A très bientôt pour un prochain numéro Paen !

Enjoy !

Spilou

6 commentaires:

  1. Et voilà le Rebounet ! Comme je disais à Spilou dans le QG du PAen, c'est vraiment passionnant de "t'écouter" parler de tes écrits et de tes personnages. Je pense que tu as un énorme potentiel et, pour moi, tu es l'incarnation même de l'écrivain. Et à mes yeux, ce n'est pas parce qu'on écrit qu'on est forcément écrivain.

    Bref, total respect et chapeau bas.

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  2. Reb. La classe. Comme toujours.
    \o/

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  3. Great! Passionnant, en effet. L'envers du décor est au moins aussi intéressant que l'endroit.

    (et les questions de ce mystérieux fan sont d'une rare pertinence, quelle classe (:P))

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  4. On trouve toujours des fans avec de bonnes questions ^^ C'est beau le travail d'équipe ! ( c'est vrai Hadana ! Ce mystérieux fan avait des questions ciblées et gratinées :P)
    Reb est un sacré auteur. Ca aurait été dommage de ne pas le cuisiner un peu histoire de mieux le connaître. Merci à toi Reb, d'avoir accepté de participer ! Ca a été un véritable plaisir !

    Enjoy !

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  5. Oulà, merci !
    (Et oui, quelle classe elle a cette mystérieuse fan, je me demande bien qui c'est !)
    C'était aussi un plaisir de le faire, c'était bien marrant.

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