samedi 1 janvier 2011

Paroles de Pros

Aujourd’hui, c’est une Pro pas comme les autres que nous rencontrons ! Pas comme les autres, parce que déjà, c’est une Plume, et parce qu’ensuite, vous la connaissez bien. Eh oui, les anciens sauront déjà que Keina a un certain passé dans l’édition et qu’elle n’est jamais avare de renseignements. Elle a donc accepté de nous parler un peu de son expérience professionnelle et du monde de l’édition.

Attention, chaud devant !

Fin janvier, cela fera deux ans que tu es parmi nous, Keina ! Les Plumes anciennes savent que tu es une pro de l'édition sous toutes ses formes, mais les petits duvets sont loin d'en savoir autant sur toi… Peux-tu résumer ton parcours professionnel ?

Ah, tu veux parler de ce truc qui fait s’arracher les cheveux de tous mes conseillers Pôle Emploi ? :D Alors… après mes études de lettres, je me suis retrouvée dans l’impasse, à donner des cours particuliers. J’ai fait un bilan de compétence et une évaluation en milieu de travail, mon premier contact avec l’édition. L’année d’après, j’ai été prise en année spéciale Infocom pour travailler dans ce domaine. Mon diplôme en poche, j’ai à peine eu le temps de prendre quelques vacances que j’ai été engagée comme assistante d’édition pour un CDD de 6 mois. J’ai enchaîné avec des petites missions de préparation de copie pour le CNRS, malheureusement, leur budget s’est épuisé et je me suis retrouvée de nouveau sur le carreau.
Là, ça a commencé à être difficile. Après des recherches laborieuses, j’ai finalement trouvé un job sur Nantes, comme opératrice PAO (publication assistée par ordinateur). J’ai claqué la porte six mois plus tard et depuis, c’est un peu le désert… mais je ne désespère pas !

En quoi consistait ton travail chez ces maisons d'édition ?

Durant mon année spéciale, j’ai d’abord fait un stage très polyvalent aux éditions Mnémos. J’ai beaucoup appris sur la conception d’un ouvrage, ainsi que sur son lancement dans la presse et en librairie. J’ai aussi repensé le site web (mon mémoire portait là-dessus), lu énormément de manuscrits, mis en page un roman, conçu des objets publicitaires, corrigé des épreuves… Après mon stage, je suis restée en contact pour m’occuper de la mise à jour du site et de la newsletter, mais ça n’a duré que quelques mois, parce que le travail que j’ai trouvé ensuite m’accaparait.

C’était dans une maison d’édition qui éditait des beaux livres, des guides pratiques, des livrets touristiques. Je me suis retrouvée à gérer quasi tout le pôle éditorial (avec une équipe de graphistes que j’étais censée encadrer) sans filet et j’ai ramé, au début. La maison d’édition se diffusait elle-même, et il fallait aussi que je m’occupe des commandes de libraires, des factures, de la mise en circulation des nouvelles parutions (calcul de la TVA, référencement à la FNAC, sur Amazon, sur Électre, mise à jour du site), tout en assurant le poste de secrétaire « classique », avec filtrage téléphoniques, rédaction de courriers, réglage des soucis informatiques, etc. Malgré cette charge de travail, j’ai réalisé un livre d’art, deux livrets historiques et j’ai mis sur les rails deux guides pratiques, le tout en six mois, après quoi le patron a décidé de se passer de mes services. Ensuite, j’ai été préparatrice de copie pour un pôle de chercheurs du CNRS. En gros, j’assurais la mise en forme, l’intégration des corrections stylistiques et la correction typographique du document pour faciliter le travail des graphistes de la maison d’édition (les Presses Universitaires de Rouen).

Enfin, mon travail d’opératrice PAO s’éloignait de mon domaine mais je me suis laissée convaincre de tenter quand même. Il s’agissait d’une entreprise sous-traitante qui s’occupait de mettre en page des ouvrages pour des grosses maisons d’édition parisiennes essentiellement. Mon job se résumait pour beaucoup à intégrer les dernières corrections, nettoyer des images, vérifier la mise en page…

Qu'est-ce qui t'a plu dans ton métier ? Et qu'est-ce qui t'a fait grincer des dents ?

Autant mon stage s’est passé dans des conditions idylliques (mais j’étais vraiment dans mon élément), autant de ma première expérience rémunérée, je garde un souvenir mitigé. Cependant, j’ai adoré collaborer avec les graphistes (même si je n’étais pas très douée pour le côté encadrement) et surtout avec les auteurs, ce que je n’avais pas pu faire durant mon stage.
Construire un projet avec eux en partant quasiment de rien est très exaltant. Je suis fière de mon travail sur le livre d’art. En vrac : retravail du manuscrit de l’auteur, recherche iconographique, maîtrise du budget iconographique, mise en place du chemin de fer (c’est un genre de « story-board » qui permet de visualiser l’ouvrage dans son ensemble et sert de base au maquettiste), correction, élaboration du résumé, préparation du lancement… J’aimais la variété de mon travail, et gérer mon temps comme je le voulais. Mon job de préparatrice de copie était plus technique, mais tout aussi intéressant, parce que je faisais passerelle entre le responsable éditorial et les auteurs. Et j’adore travailler avec les auteurs. Je l’ai déjà dit ? ^^

Durant mon expérience d’opératrice PAO, par contre, aucun contact avec qui que ce soit, à part mes collègues et mon patron. J’ai appris à maîtriser les codes typographiques et les logiciels de PAO, mais j’ai vite détesté ça. C’était répétitif. Mon seul plaisir était la découverte des nouveaux ouvrages. Il y avait de tout ! Livres jeunesse, guides pratiques, romans, beaux livres, livres juridiques, ouvrages scolaires… J’aimais les peaufiner avant publication, mais il y avait trop de pression et il faut bien l’avouer, je n’étais pas douée.

Comment on peut entrer dans le monde de l'édition côté éditeur ?

Bah, en suivant la formation adéquate, déjà. À savoir, IUT Infocom, licence et master Édition. Ça permet de multiplier les stages et de se faire une petite place dans le milieu. On me le répète assez souvent : ce qui compte, dans ce métier, c’est le réseau de relations. La plupart des recrutements se font grâce à ça. J’ai eu de la chance de décrocher deux jobs sans passer par là, mais dans le contexte actuel c’est quasi impossible. Et les études sont le meilleur moyen de constituer son réseau. On peut croire qu’il y a peu d’élus dans ces métiers, mais il existe beaucoup d’emplois possibles autour de l’édition : mon parcours en est la preuve ! Récemment, j’ai discuté avec quelqu’un qui avait fait un stage en tant qu’agent éditorial. Il négociait les droits internationaux, ça avait l’air passionnant aussi ! L’édition ne se résume pas à lancer le nouveau Houellebecq, et heureusement !

En plus de ça, on parle beaucoup de toi en ce moment sur le forum, car tu as collaboré avec une amie illustratrice sur un projet d'autoédition. En effet, déjà quelques Plumes se sont procuré Le Murmure des Chimères qui a reçu des critiques émerveillées. Mais dis donc Keina, tu es une Plume de pro accomplie ! Si l'autoédition t'a appris quelque chose, ce serait quoi ?

Que c’est stressant ! XD Ça m’a remis dans le bain de l’édition, aussi. Je me rends quand même compte que je préfère travailler dans une structure où tout est déjà en place, où les gens me connaissent. Là, j’ai parfois l’impression d’avancer en aveugle, avec en plus l’étiquette « autoédition » qui n’est pas toujours facile à porter. On comprend à quel point un bon éditeur doit être un bon commercial. Et ça m’a aussi appris à beaucoup m’organiser !

Mais ça n'a pas été trop difficile à gérer tout ça ?

Ben, il a fallu que je puise beaucoup dans mes souvenirs pour retrouver les « réflexes » liés à l’édition : le référencement, la diffusion, la publicité, la distribution… J’en suis encore à tenter de me souvenir comment on négocie avec un libraire, comment se faire connaître dans la presse régionale ou spécialisée… Je pense qu’on a voulu publier l’ouvrage trop vite et qu’on n’a pas assez préparé tout ça, ce qui fait que maintenant, on gère un peu tout dans le désordre. Mais bon, c’est une première expérience en duo qui sera suivie par d’autres… et j’espère qu’on s’améliorera avec le temps !

Grand sujet d'actualité que sont ces entreprises alléchantes : Est-ce que tu recommanderais l'édition à compte d'auteur à nos chères Plumes ? Bonne affaire ou grosse arnaque ?

C’est une bonne affaire si on a, de base, un projet béton, le sens du commerce et une bonne communication. Et si on dispose de beaucoup, beaucoup de temps. Pour rentrer dans ses frais, il faut vendre, et pour vendre, il faut se faire connaître. Et là, ça devient compliqué ! Mais je ne pense pas que ce soit une arnaque. On sait d’emblée où on met les pieds quand on s’auto-édite, contrairement à l’édition à compte d’auteur qui est un attrape-nigaud. Ceci dit, je ne suis pas toujours hyper favorable à l’auto-édition de romans, parce que j’ai lu trop de romans auto-édités à qui il manquait un vrai travail éditorial. Mais ça vaut aussi pour des romans édités, alors bon. Pourquoi pas ? Mais je conseillerais à toutes les Plumes de tenter d’abord chez des éditeurs, car je suis certaine qu’elles ont leur chance, et c’est certainement beaucoup moins fatigant ! ;-)

Tu es déjà bien partie sur ta lancée, Keina. Quels sont tes projets ? Peut-on espérer un jour te retrouver dans l'édition côté auteur avec (Une Silfine) ?

Hem, trouver un boulot, déjà ! xD On a aussi d’autres projets, avec Charline. De l’auto-édition, encore, mais pas que. Mais chut, c’est secret !
Pour (Une Silfine), je vais déjà essayer de le finir, puis oublier un peu ce gros pavé informe qui m’a donné tant de mal, et peut-être, peut-être qu’après, j’y penserai ! xD


Et voilà, cette rencontre avec Keina touche désormais à sa fin. Je rappelle que vous pouvez la retrouver un peu partout sur le Fofo, mais aussi sur son site internet. Un grand merci à Keina pour sa disponibilité et ses réponses vraiment très intéressantes, et si un éditeur passe par-là, ne laissez pas passer votre chance, recrutez-la, mordiou !


La ptite Clo

3 commentaires:

  1. C'est vrai, ça, recrutez-la, mordiou ! Elle en vaut le détour, croyez moi !
    Une pro des mots, c'est certain.

    Merci, Clo, pour cette interview pas commune. Voilà qu'une de nos vénérables plumes passe aussi dans la catégorie des pros. Si c'est pas la classe, ça !!!!

    RépondreSupprimer
  2. Merci Keina pour nous faire partager tes connaissances et merci à Clo pour le travail que tu as fais.

    Un sujet vraiment intéressant.

    RépondreSupprimer
  3. Le PAen a bien failli se passer de cet article pour ce numéro, mais c'était sans compter la ténacité de Clo et la gentilesse de Keina qui nous ont toutes les deux sacrifié un peu de leur temps de fête. MERCI ! L'article est génial, en plus, ça va en passionner plus d'un, à commencer par moi !

    RépondreSupprimer