mercredi 10 février 2010

Plumes et Astuces


Dire l’amour

Ah, l’amour ! Voilà un thème qui est probablement né en même temps que la littérature. Une histoire sans amour, ni passion, ni tendresse, ni amitié, laissera une sensation de vide à votre lecteur. Cela ne veut pas dire que les sentiments doivent être idéalisés : l’amour n’est pas tenu d’être réciproque, un désir peut être chargé de haine, une amitié est parfois maladroite. Mais quelle que soit leur nature, des liens se tissent entre vos personnages et c’est cette trame émotionnelle qui rend votre histoire attachante.

Chaque auteur parmi vous a sa propre conception de l’amour, ses propres thèmes de prédilection : jalousie maladive, érotisme, interdits, sadisme, dilemmes à tiroirs ou que sais-je encore. Je n’ai absolument pas la prétention de vous dicter ici votre façon d’aborder la question. Ce que je souhaite traiter, c’est la manière de le dire.

En effet, il est difficile de retranscrire l’amour avec une vraie justesse de ton. Le verbe aimer est lui-même usé jusqu’à la corde. On écrit « Rhett Butler aime Scarlett O'Hara » de la même façon qu’on écrirait « Scarlett O'Hara aime faire ses robes dans des rideaux ». Méfiez-vous de ce verbe, ne l’utilisez qu’en dernier recours, lorsqu’il a toutes ses chances d’avoir de l’impact.

Plutôt que de citer l’amour par son nom et de le coller sur une émotion comme une jolie étiquette, préférez-lui l’implicite. Concentrez-vous, par exemple, sur le désordre qu’il provoque dans le corps. Passez par le jeu des regards, des silences, des non-dits, des maladresses. Vos dialogues pourraient en dire le moins possible et laisser la part belle à tout ce qui est sous-entendu.

On parle d’ailleurs de « maladie d’amour ». Une maladie présente des symptômes et, surtout, elle implique une part de souffrance. Aimer rime avec meurtrissure et instabilité. N’idéalisez pas trop cette émotion : votre personnage peut flotter comme une bulle, puis être précipité dans les abîmes du doute l’instant d’après. Un amour heureux, sans bavure et pleinement réciproque risque fort d’ennuyer vos lecteurs.

Non, la perfection ne sonne pas juste. Votre histoire d’amour ou d’amitié ne peut pas être cousue d’or : elle doit être imparfaite, semée d’embûches, de fâcheries et de contrariétés, de même que vos personnages doivent posséder des failles et des aspérités.

L’amour en littérature, c’est aussi celui que l’auteur porte à ses propres créatures. Cet amour est piégeur, car il demande à être partagé par le lecteur et il peut vous pousser à ne présenter vos personnages que sous leur meilleur jour : charme, grandeur d’âme, intelligence, éloquence, esprit de sacrifice. Vous courez le risque d’obtenir l’effet inverse et de les rendre irritants. Faut-il être hors du commun pour être aimé ?

Cette question nous amène au problème des clichés : comment les éviter autour d’un thème vieux comme le monde, traité des centaines de milliers de fois par des générations d’écrivains ? Avant tout, soyez sincère. Quand vous écrivez sur l’amour, sur l’amitié, sur la sexualité, mettez-vous dans la peau du personnage le plus honnêtement possible. Comme réagiriez-vous à sa place ? Que ressentiriez-vous ?

Si vous êtes sincère, si vous quittez la pellicule cristallisée de la surface pour aller au fond des choses, là où la frontière entre toutes les émotions se dilue, là où les petites étiquettes n’existent pas, le lecteur le sentira.

Et il sera ému.



Le saviez-vous ?

Une histoire d’amour, quel que soit le sens que vous donnez à ce mot, repose sur des rouages psychologiques. Le sociologue italien Francesco Alberoni a mené de très belles réflexions autour de l’amour dans des traités, tels que « Le choc amoureux », « L’amitié », « L’érotisme », « le vol nuptial : l’imaginaire amoureux des femmes »*, etc. Une approche savante avec une plume de lettré. Si vous n’êtes pas à l’aise dans le registre relationnel, si les liens entre vos personnages vous semblent trop factices, si vous n’arrivez pas à poser de mots sur le phénomène amoureux, n’hésitez pas à feuilleter ces livres en bibliothèque !


Cristal


* Tous édités chez Pocket dans les années 90.

1 commentaire:

  1. *_* Cricri, quelle belle leçon ! Elle arrive avec trois jours de retard me concernant, mais je n'oublierai pas tes précieux conseils !

    Bien des bisous !

    RépondreSupprimer