lundi 30 décembre 2013

Plumes et Astuces

Pourquoi ? 

Pour la toute première Plume et Astuce de l’année, j’ai eu l’envie de me pencher sur la délicate question du « pourquoi ? ». Je ne sais pas pour vous, mais moi, à chacune de mes histoires, je me suis souvent demandé ce que j’allais écrire (quoi), à partir de quels personnages (qui), dans quel environnement (où), en référence à quelle époque (quand) et avec quelle sorte de style (comment), mais j’ai très souvent éludé la question centrale du pourquoi. Et si nous passions ensemble à la loupe ce qui se cache derrière ces huit petites lettres ?

Les multiples déclinaisons du pourquoi

Pourquoi est-ce que j’écris cette histoire ? Pourquoi j’ai choisi tels personnages, tel contexte, tel genre, tel style ? Pourquoi mon héros prend-il cette décision ? Pourquoi le méchant est-il devenu aussi mauvais ? Pourquoi telle aide providentielle tombe-t-elle soudain du ciel ? Pourquoi cette rencontre improbable a-t-elle lieu ici et maintenant ?

Interrogez-vous et interrogez votre texte. Posez vos pourquoi pour chaque aspect de l’histoire, chaque situation, chaque action que vous écrivez. Si vous ne pouvez répondre autrement que par « ça me plait trop ainsi ! » ou « il le faut pour les besoins de l’intrigue » ou « pour que ça fasse mystérieux » ou encore « oh, ça, c’est un savant mélange de destin et de hasard », alors je vous invite à vous attarder un instant sur le sujet avec moi.

Pourquoi faut-il se demander pourquoi ?

1) Parce que c’est gratifiant pour l’auteur.

Un auteur qui ne peut pas répondre aux pourquoi de son histoire n’a pas fait de l’écriture un acte pleinement conscient. Il reste spectateur du roman et subit les aléas de son inconscient, de ses peurs et de ses désirs, ainsi que de toutes les facilités scénaristiques venues. Il a spontanément tendance à véhiculer des lieux communs et les préjugés de l’opinion publique, faute d’exercer son esprit critique à travers l’écriture. Il est aussi influençable face aux critiques de son lectorat et se laisse balloter sur les flots hasardeux des commentaires sans boussole pour garder le Nord. Bref, il n’est pas le capitaine de son navire.

Au contraire, un auteur qui sait pourquoi il a choisi d’écrire cette histoire et pas une autre, pourquoi ces personnages prennent telle décision et pas telle autre, pourquoi les événements de son histoire ont lieu sans que ce soit le fruit d’une (mal)heureuse coïncidence donne du sens à ce qu’il écrit. Il a un cap, il connaît sa destination. Il ne cherche pas à flatter ses fantasmes ou ceux de ses lecteurs, il est le porteur d’un message qui vaut mieux que ça.

2) Parce que c’est gratifiant pour le lecteur.

Vous n’êtes pas seul à bord de votre roman, vous y embarquez aussi tous vos lecteurs. Si votre histoire n’a pas de réponse à son « pourquoi » central, à savoir sa raison d’être, vous risquez de passer à côté de l’essentiel. Vous avez le pouvoir, à travers vos mots, de transmettre quelque chose d’important à votre lecteur. Écrire une histoire d’amour ou d’aventure parce que « ça plaît », c’est réduire son lectorat à sa dimension de consommateur de divertissements. Mais écrire une histoire d’amour ou d’aventure de façon à traiter un ou plusieurs thème (la différence, la quête d’identité, la justice, le racisme, la guerre, la famille, etc.), c’est amener son lecteur à s’interroger avec vous et à exercer son esprit critique. Attention, je ne vous invite pas à donner une morale à l’histoire, mais bien à faire de l’écriture une démarche consciente : vous pourriez tout aussi bien privilégier l’absurde et ne vouloir conférer aucun message à votre histoire, du moment que c’est votre vision personnelle et assumée de l’écriture.

Concernant les autres pourquoi, ceux qui sont liés à la crédibilité de la narration, ils sont aussi importants pour votre lecteur. Ce dernier sera davantage porté par le récit s’il sent que vous maîtrisez votre affaire, que vous connaissez les motivations profondes de vos personnages, que vous modulez les actions et les événements au fil des volontés humaines et non au petit bonheur la chance.

La boucle infinie du pourquoi

Vous êtes face à votre roman et vous vous êtes prêté au jeu des pourquoi. Vous avez exploré vos propres intentions d’auteur, puis vous avez passé en revue celles de tous vos personnages. Vous avez fait sauter des pans de texte entiers parce que vous avez découvert des incohérences, des invraisemblances, des contradictions et des facilités. Vous avez décidé d’étendre ce questionnement jusqu’à la galerie des personnages secondaires, jusqu’aux fondations même du système social et politique du roman, jusqu’aux générations antérieures et jusqu’aux zones de l’histoire dont vous ne parlerez jamais. Vous accumulez des pages et des pages de notes explicatives, des arbres généalogiques hyper détaillés, des schémas de haute précision... Attention, vous êtes peut-être entré dans une boucle sans fin !

Et oui, il faut aussi que l’auteur accepte de ne pas pouvoir répondre à tous les pourquoi de son roman. Il y a des personnages dont il ne connaîtra jamais l’arrière-fond, des régions dont il ne connaîtra jamais l’arrière-plan, des mécanismes dont il ne connaîtra jamais les rouages. Posez-vous des limites et ne vous éloignez pas trop de votre fil narratif. Si vous êtes en train de vous casser la tête sur quelque chose qui n’a aucun rapport direct avec l’action principale du roman, lâchez prise et tenez-vous-en là.

Conclusion

Et vous, que pensez-vous du pourquoi ? Est-ce une question que vous vous posez souvent en écriture ? Lui trouvez-vous des avantages ou des inconvénients dont je n’ai pas parlé ici ? Votre expérience nous intéresse, alors n’hésitez pas à donner votre avis !

Je conclurai cet article en remerciant Shaoran et SecretSpleen : nos conversations sur l’écriture m’inspirent toujours beaucoup pour les Plumes et Astuces !

Cristal

1 commentaire:

  1. "Si vous êtes en train de vous casser la tête sur quelque chose qui n’a aucun rapport direct avec l’action principale du roman, lâchez prise et tenez-vous-en là."

    Oh Cricri, si tu savais comme tu me sauves la vie. Tu as raison. Vouloir tout expliquer c'est bien ; mais ne pas passer des mois sur l'explication d'un phénomène qui ne sera en aucun cas important pour le déroulement du récit, c'est mieux. Il y a des choses qu'on peut se permettre de laisser vagues, bien que devant les mentionner.
    Ça devenait une obsession... Mais faut savoir prendre du recul et réaliser qu'on s'efforce et s'essouffle dans une direction pour rien du tout !

    Merci <3

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