lundi 15 avril 2013

Plumes et Astuces


La réécriture  

Vous venez de poser le point final à votre roman, vous dansez, vous mangez, vous buvez… et  vous vous rasseyez aussitôt pour le retravailler ? Quoi ? Vous n’attendez même pas d’avoir fini pour tout reprendre ? Vous avez le virus de la réécriture ! Ça peut être une excellente maladie comme ça peut devenir votre pire cauchemar. Bon, avant toute chose, je vais définir ce que j’entends par « réécriture ». Si vous faites la chasse aux fautes d’orthographe, si vous retouchez quelques phrases, si vous ajoutez un passage çà et là, c’est un simple travail de correction. Par contre, si vous vous lancez dans un remaniement en profondeur de votre manuscrit, autant du point de vue du style que du contenu, c’est bien ce dont il va être question ici.

Attendez le mot de la fin !

C’est le premier conseil que je donne, car c’est celui que je n’ai pas toujours suivi. L’écriture évolue avec les années, les mois même, c’est un fait. Plus vous passez de temps sur un roman, plus le début vous sort par les yeux, car il ne colle plus du tout avec votre style ou avec vos idées. Aussi forte soit la tentation, n’y retouchez pas et allez jusqu’au bout. Votre roman se compose de plusieurs tomes ? Idéalement, patientez jusqu’à la fin de la saga ; sinon, attendez au moins d’avoir terminé un volume. Et d’ici là, consignez dans un fichier à part tout ce que vous aimeriez modifier par la suite : étoffer tel personnage, anticiper tel événement, supprimer telle action, etc.

Pourquoi ? Premièrement, parce que si vous réécrivez au fur et à mesure que vous avancez, vous allez tomber dans une boucle temporelle et que vous n’en verrez jamais le terme. Deuxièmement, vous bénéficierez d’une meilleure vue d’ensemble si vous avez déjà l’histoire entièrement écrite sous les yeux.

Réécrire une intrigue, c’est comme jouer aux dominos

Une fois votre premier jet terminé, ne vous précipitez pas pour réécrire. Je vous conseille de tout relire à tête reposée, avec prise de notes à côté, de façon à dégager la structure actuelle de votre roman. Premier chapitre, présentation des personnages principaux ; deuxième chapitre, événement déclencheur de l’intrigue ; et ainsi de suite. Cette mise à plat est très utile pour voir la répartition des événements dans votre histoire. Vous vous apercevrez peut-être qu’il y a des chapitres où il ne se passe rien d’intéressant et d’autres où il se passe trop de choses à la fois, que vous vous répétez ou que vous avez au contraire la manie des ellipses.

À partir de ce plan détaillé (« hou, le vilain mot », je vous entends d’ici) et à partir de vos notes, vous pouvez mettre en place une nouvelle structure. Considérez chaque chapitre, chaque scène comme un domino : ils doivent tous être à leur place, s’enchaîner à la perfection et au bon rythme. Vous connaissez déjà le cheminement entre l’alpha et l’oméga de votre roman : à vous d’inventer de nouvelles étapes intermédiaires ou de supprimer celles qui ne servent à rien. Maintenant que vous connaissez l’issue de chaque événement, vous pouvez éviter les cheveux sur la soupe : par exemple, si une crise doit éclater (une dispute, une révolution, une guerre), semez des signes avant-coureurs. Oubliez les fioritures et les digressions qui font du remplissage : tous les détails doivent être au service de l’histoire et de l’histoire seulement.

Bref, posez-vous ces questions rituelles : est-ce que tous mes passages font avancer significativement l’intrigue ? est-ce qu’ils me permettent de traiter tel thème, de préparer tel événement, de révéler telle facette de personnage ? est-ce qu’il fait franchir une étape (réelle, symbolique ou les deux à la fois) à mon héros/héroïne/antihéros/antihéroïne ?

Retravailler son style : le mieux peut être l’ennemi du bien

Plus nous écrivons, plus nous prenons de la bouteille, plus notre vocabulaire s’enrichit. La grande tentation, quand on réécrit une histoire, c’est d’en retoucher chaque phrase pour qu’elle soit plus jolie, plus poétique, plus recherchée, plus adjectivée. On en profite pour étoffer toutes les descriptions : ainsi, tel lieu ou tel personnage qu’on présentait en quelques lignes prendra bientôt la place de plusieurs pages !

La question que vous devez avoir à l’esprit est : à quel lectorat est-ce que je destine mon roman ? Vous ne devrez pas du tout travailler votre style de la même façon selon que vous vous adressez à des petits enfants ou à de jeunes adultes, à des adolescents ou à des adolescentes, au grand public ou aux jurés du prix Goncourt. Si vous vous destinez à des lecteurs qui seront rebutés par une avalanche de mots compliqués ou de tournures abstruses, réécrivez en allant dans le sens de la fluidité et de la simplification. Vous pouvez avoir une forte puissance évocatrice avec des termes très simples, une vraie étoffe littéraire en tapant dans un registre familier.

Les mots aussi, finalement, c’est comme les dominos : chacun doit avoir sa place et son utilité, chacun doit bien s’emboîter entre celui qui précède et celui qui suit.

Un background qui porte votre signature

Ce que j’appelle « background », c’est ce qui sert de cadre spatiotemporel à votre intrigue et à vos personnages. Quand on est sur la lancée de l’écriture, on n’a pas toujours la patience d’imaginer des décors ou des situations qui sortent du déjà-lu. Les personnages font toujours les mêmes choses, vont toujours aux mêmes endroits. Il y a d’ailleurs des stéréotypes dans tous les genres littéraires : l’auberge crasseuse de l’Heroic Fantasy, le luxueux manoir du vampire, les rues embrumées du polar, le vaisseau ovoïde de la Science fiction ou le Londres victorien du steampunk. Que celui qui n’a pas cédé à la tentation du prêt-à-écrire jette la première pierre !

La réécriture, c’est le moment où vous pouvez faire marcher les muscles de votre imagination à plein régime. Pourquoi vos personnages devraient-ils forcément être assis au calme quand ils échangent des confidences ? Ils pourraient tout aussi bien faire du patin à roulettes dans un immeuble abandonné ou marcher à l’envers sur un trottoir volant. Pourquoi un enterrement devrait-il se dérouler sous la pluie ? Pourquoi le grand duel final devrait-il se jouer sur les toits ? Pourquoi les trolls ne posséderaient-ils pas une bibliothèque universitaire ? Vous seriez étonné de l’effet produit rien qu’en renouvelant votre décor !

Et voilà, j’en ai fini avec ma Plume et Astuce. Vous faites partie des Réécriveurs Anonymes ? Hadana a ouvert un topic spécialement pour vous sur le forum : si vous voulez partager votre expérience, n’hésitez pas à sortir de l’ombre. On ne vous jugera pas, nous sommes presque tous passés par là !

Cristal

2 commentaires:

  1. Vraiment très instructif ma chère Cristal !

    Quoi le duel final sur les toits c'est du déjà vu ?! Ah ben mince, j'étais même pas au courant T_T
    Bon t'en pis. Elle restera dans ce décor. Façon comme il y en a 3 y a de quoi varier les plaisirs.

    Merci ^^

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  2. Je comprends pourquoi j'ai mis vingt ans pour pondre ma première histoire. J'y retourne d'ailleurs... Plus sérieusement... Merci

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