jeudi 1 mars 2012

Paroles de Pros

Au moment de Noël, elles ont fait scandale. Elles ont déclenché un grand cyclone qui s’est violemment déchaîné sur la Plume d’argent. Elles sont à l’origine de la hausse des visites sur Lulu.com et du déferlement hystérique des Plumes sur le Forum. Elles ont… publié la Passe-Miroir. Eh oui, pour les ramollis du cerveau qui auraient loupé l’Évènement, la grande odyssée d’Ophélie s’entame dès à présent dans le monde de l’édition, avec aux commandes Cristal, un auteur fantastique (sans mauvais jeu de mot), et Sej, savante grenouille des Éditions echows. Et rien que pour vous : la rencontre avec ces deux mordues du boulot.

Pour commencer, Sej, pourrais-tu nous rappeler le principe des Éditions echows et d’où t’en est venue l’idée ? Et toi Cristal, pourrais-tu nous révéler ce qui t’a poussé à sauter le pas de l’édition et à accepter de collaborer avec la plus sadique des grenouilles ?

Sej : Les Éditions echows sont nées sur un annuaire de webséries écrites (proches cousines des fictions en ligne). L'annuaire en question - echows - proposait divers projets autour des webséries inscrites : book clubs, magazine en ligne, webséries awards. Il ne manquait plus qu'à passer de l'écran au papier pour que ce soit complet... Echows n'a malheureusement pas tenu le coup contre les attaques acharnées de (saloperies de) hackers qui ont finalement réussi à faire fermer le site. Sauf que je me retrouvais avec ces éditions sur les bras, encore toutes jeunes. Mon premier réflexe a été de les enterrer dignement vu qu'elles n'avaient plus tellement de raison d'être sans l'annuaire. Puis, après réflexion, et grâce à Cricri qui m'avait confié la PM pour publication, j'ai décidé d'adapter les Éditions echows en une plateforme plus généraliste, ouverte à toutes les fictions du net. À présent, le principe d'echows est donc assez simple - n'importe qui peut nous proposer sa fiction pour publication. Il faut bien sûr respecter quelques règles comme une orthographe correcte (on est là pour aider l'auteur à transformer sa création en chose à feuilles, pas pour récrire son roman), et c'est à peu près tout. Ensuite, nous nous occupons de relire le "manuscrit", de chasser toutes les coquilles (sauf les plus vicieuses qui se cachent vraiment bien *regard suspect*), de faire une mise en page, une couverture et de créer physiquement le livre sur lulu.

Cristal : Saviez-vous que les grenouilles ont l’ouïe très fine ? Sur le forum, j’ai dit une fois que j’aimerais bien proposer à mon proche entourage une version papier de la Passe-Miroir. L’instant d’après, je concluais un pacte avec le dia… avec la grande Coasseuse. Pour moi, le plus important était de laisser la Passe-Miroir en libre accès sur Plume d’Argent ; Sej l’entendait bien comme ça. Je n’ai jamais regretté d’avoir accepté son offre.

S : Les grenouilles viennent d'ailleurs, ma chère Cricri... Et elles ont des yeux et des oreilles partouuut. La prochaine étape, c'est de lire tes pensées et d'enfin savoir si... pardon, je m'égare.

Sej, te voilà devenue éditrice ! Quels ont été les obstacles que tu as rencontrés sur ton chemin ?

S : Éditrice, pas vraiment vraiment. Echows, c'est une aide à l'autopublication. Le boulot d'éditrice est bien plus compliqué (enfin, j'imagine *grand sourire*). Par exemple, quand je relis un texte en vue de la publication, je ne vais pas corriger le fond qui est laissé sous la responsabilité de l'auteur, juste la forme. Cela dit, ça prend déjà pas mal de temps, et quand on bosse à côté, ce n'est pas toujours facile de se motiver le soir, en rentrant après avoir passé la journée à lutter contre des sites vicieux. Il y a aussi, bien évidemment, la difficulté de la création du livre. Je n'ai aucune formation en rapport avec ça. Un beau jour, je me suis juste improvisée metteuse en page, en fouillant dans ma bibliothèque, en cherchant sur internet, en testant, retestant, reretestant jusqu'à arriver au résultat qu'on a aujourd'hui. Il n'est certes pas encore parfait, mais en comparant au début, il n'y a vraiment pas photo sur l'évolution *sourire Colgate* Cela dit, tenir dans ses mains le bouquin sur lequel on a travaillé pendant des mois, ça vaut bien quelques heures de sommeil en moins !

Qu’est-ce ça fait de tenir son propre livre dans ses mains (le sang de son sang, la chair de sa chair, rappelons-le !), Cricri ?

C : Jusqu’à la dernière seconde, je n’ai pas vraiment réalisé. C’est au moment d’ouvrir le colis, de palper le livre, de sentir son odeur, de faire rouler les pages sous mes doigts que je me suis sentie soudain émue. J’avais déjà imprimé quelques pages par le passé, mais là, c’était un vrai LIVRE. Sej a fait un travail remarquable. La mise en page, la présentation, le design : c’est de la qualité professionnelle.

Passée la joie, j’ai eu le trac. Je n’ai même pas osé survoler le texte des yeux tellement j’avais peur de voir une erreur, une maladresse, une énorme bourde. Bon, il s’est avéré qu’il y en a quand même eu, et c’est entièrement ma faute, mais je me suis sentie soudain pleine d’une nouvelle responsabilité. Des plumes s’étaient procurées ce livre, elles avaient cassé la tirelire pour la Passe-Miroir, je ne pouvais pas les décevoir.

On imagine bien que les mois passés à retaper la P-M n’a pas été facile à vivre tous les jours ? Pouvez-vous nous raconter les tribulations de l’éditeur en train d’éditer, et de l’auteur en train de se faire éditer ?

C : Ah, ce fut mémorable ! Je ne sous-estimerai plus jamais le travail de réécriture. Ça m’a demandé une année entière. Je n’ai pas tenu les délais auxquels je m’étais d’abord engagée. Sej a été extrêmement compréhensive, elle ne m’a jamais mis la pression. Bon, sauf quand nous avons décidé de boucler le roman avant Noël. Là, elle m’a conduite dans la plus solide cage de sa plus profonde cave et… elle s’y est enfermée avec moi. Je n’oublierai pas les échanges frénétiques de mails que nous avons eus, moi écrivant, elle lisant, moi corrigeant, elle relisant. En même temps, ça m’a formidablement stimulée. C’était un vrai travail d’équipe. Et quelle joie quand on est enfin arrivées au bout ! Nous étions épuisées, dans un état de délabrement nerveux, mais tellement soulagées…

S : Eh bien, moi, personnellement, je me suis ré-ga-lée *grand sourire*. Le boulot de Cricri était impressionnant, elle n'avait pas récrit la PM, elle avait tout tombé pour donner quelque chose d'encore meilleur. Quant aux délais, je crois qu'on a été deux à les ignorer pas mal. L'overbookage, c'est le maaaal. Mais, comme l'a dit Cricri, vers Noël, on s'est dit que ça avait bien assez trainé et qu'il fallait - nom de nom ! - qu'on finisse tout ça. Là, je vais passer les détails, ça a été assez violent, je risquerais d'en choquer plus d'un...

Vous est-il arrivé de vouloir trucider un personnage de la P-M au cours du travail de réécriture/relecture ? Par exemple, et pour ne citer que lui de façon tout à fait aléatoire… Patafix (NB : Farouk) ?

C : Farouk ne faisant qu’une très brève apparition (certainement l’apparition de trop à ton goût, Clo), je n’ai rien à lui reprocher pour ce Livre. Nous en reparlerons pour le prochain tome. En revanche, j’ai beaucoup, beaucoup de griefs contre Bérénice. Cette femme m’a rendue folle : comment peut-on être aussi puérile à son âge ? Je ne sais pas pour toi, Sej, mais moi, je ne peux plus la voir en peinture. Je suis d’ailleurs certaine que ça se ressent à la lecture.

S : Mais non, elle est adorable, Bérénice... Faut pas taper dessus, elle te servira encore. En fait, tous les personnages de la PM sont tellement savoureux chacun à leur manière que je serais bien incapable d'en détester un (bon, Farouk faisant évidemment exception à la règle, mais c'est pas encore flagrant à ce niveau du récit). Mais ce que j'ai surtout apprécié dans cette récriture, c'est le développement du monde et de sa physique. Vous pouvez pas savoir à quel point ça me perturbait la nuit sur ces Arches qui - en tout logique - auraient dû être éclairées par en-dessous...

La célèbre question de Parole de Pros : votre avis sur l’édition à compte d’auteur ?

C : J’ai toujours entendu dire qu’il fallait s’en méfier comme de la peste. Un auteur ne doit pas payer pour être publié et pour écouler lui-même ses stocks. Mieux vaut encore s’auto-publier. C’est pourquoi je trouve que Sej propose une alternative intéressante. Honnêtement, je ne sais pas si j’aurais eu le courage de me motiver toute seule pour publier mon livre via Lulu.com. C’est tout à fait possible, mais ça exige de se prendre en main tout seul : se lire, se relire, faire sa mise en page, se re-relire, concocter une couverture attrayante, se re-re-relire, etc.

S : À éviter ? A vrai dire, comme je ne me suis jamais intéressée à cette partie de l'édition, je ne sais pas grand chose dessus. Ce que je sais, c'est que si on avait demandé à des auteurs de nous payer pour qu'on les publie, ça aurait été moche et on aurait pas eu grand monde !

Et maintenant que la Passe-Miroir est éditée pour le plus grand bonheur de PA, quels sont vos projets ? Sej, travailles-tu sur d’autres ouvrages ? Cricri, j’ai ouï dire qu’avant de te consacrer à la publication du prochain tome, tu allais d’abord mettre un point final à la P-M. Dites-moi la vérité ou je crie.

C : Oui, je voudrais vraiment terminer la Passe-Miroir, à présent. Quitte à retravailler le grand final au moment de passer à l’étape publication, il faut que j’avance. Je m’aperçois que je suis incapable d’écrire et de réécrire en même temps : quand je me lance sur des rails, je dois aller jusqu’au bout et ne pas changer de voie entretemps. Alors je sais qu’inconsciemment, je n’ai pas envie de mettre un terme à l’aventure, mais je ne peux pas me défiler plus longtemps. Promis, avant mes cent ans comptés, ce sera chose faite.

S : Je ne travaille sur rien actuellement, mais plus pour très longtemps. J'avais parlé du fait qu'au printemps, j'allais publier le deuxième tome de ma saga grenouillesque sur echows, je suis donc en train de préparer le terrain. En parallèle, j'ai le grand plaisir de vous annoncer qu'une nouvelle Plume s'est laissé tenter par mes yeux doux et que son ouvrage rejoindra donc les étagères d'echows d'ici l'été. Et à côté de ça, nous avons aussi deux-trois possibles publications prévues pour la fin de l'année et on cogite dur sur l'organisation d'un appel à textes.

Pour finir, quels conseils en tout genre donneriez-vous aux Plumes par rapport à votre première expérience dans l’édition ?

C : Relisez-vous. Oui, j’ai été un peu traumatisée par les coquilles que j’ai laissées derrière moi. Plus sérieusement, ne perdez jamais de vue votre principal objectif : le plaisir. OK, il faut écrire une histoire qualité. OK, il faut donner le meilleur de soi-même. OK, il faut être cohérent, attentif, structuré. Mais prenez du plaisir à ce que vous faites, mettez-y tout votre cœur : c’est cela que vous transmettrez à votre lecteur. Si vous vous enfermez dans une logique de productivité (« je dois publier un livre tous les six mois »), de rendement (« je dois vendre au moins X livres »), de reconnaissance (« je veux devenir célèbre »), vous risquez de passer à côté de l’essentiel. Que la Plume soit avec vous !

S : Relisez-vous, que diable ! Et écrivez pour le plaisir, le texte n'en sera que meilleur. Et puis, n'oubliez pas qu'en définitive, tout fonctionnera pour vous si (et seulement si) vous partez de suite, là, maintenant, sauver les grenouilles du Surinam !


Et c’est à ce moment-là, qu’en principe, ceux qui n’ont pas (encore) commandé la P-M se ruent sur Lulu.com pour faire quelques emplettes dignes de ce nom… Et que ceux qui écrivent tentent de contacter en douce Sej pour lui faire confiance (grave erreur ?). Dans tous les cas, je remercie chaudement nos deux pimprenelles pour m’avoir accordée cette interview, et je vous invite à ne pas louper LE site internet indispensable où vous pourrez vous procurez le sésame de Cricri qui vous ouvrira le chemin vers le Miroir : http://www.editions-echows.fr/

On se dit à très vite les Plumes, et faites attention, il y a une grenouille bizarre derrière vous.

La ptite Clo

2 commentaires:

  1. Ah tiens, c'est sympa d'avoir les dessous d'un best-seller annoncé !!!!
    Sej, ton idée est vraiment tentante... si.


    Bah quoi, non ? ... mais si, mais si. D'ailleurs, à ce jour, les ventes se chiffrent à combien d'exemplaires ?
    Bon ok, vous ne l'avez pas fait pour l'argent, mais pour nous faire plaisir. Non, pour VOUS faire plaisir.
    Bref, c'est un plaisir partagé, quoi qu'il en soit.

    Bravo à vous. Bravo à Clo. (tu nous manques...)

    Vef'

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  2. Bih. Vous me manquez aussi. :)

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